Les moments que je détestais le plus étaient sûrement ceux où je devais prendre toutes les remarques et incessants commentaires de notre chef, surtout quand Hae part en courant comme un dératé en criant des « Adieu ! » ou encore des « Libérééééé délivrééééé » dans tous les bureaux. Plus rien ne me surprenait quand ça venait de lui. Par contre, je sortais tout le temps bien lessivé et je n’avais en tête que retrouver mon lit, et de dormir comme un bien heureux. C’était mon but quand je revenais de mission. Personne pour m’attendre, personne à devoir courir après. Juste moi et le silence.

Mon corps redevenu propre comme un sou neuf, je m’étais donc allongé dans mon large lit, espérant avoir la paix pendant encore un moment. Je ne tardais pas à m’endormir comme un bienheureux, sans grande peine, car après tout, je m’étais bien vidé de toute énergie pour cette mission, surtout avec les plans bien foireux de Hae qui comme d’habitude s’était presque surpassé pour les plans plus excentriques et fous des uns des autres.

Généralement, je profitais de mon temps libre pour fureter, ou bien pour commander des trucs inutiles pour m’occuper. J’aimais être au chômage technique, mais disons que sortir de temps en temps, contrairement à Hae qui s’enfermait dans son appartement pour devenir presque méconnaissable. C’est d’ailleurs avec surprise que je décrochais mon téléphone en voyant le « Boss » s’afficher.

Il était rare que l’on nous rappelle aussi tôt mais j’imaginais cette fois que c’était urgent. Evidemment, quand on m’annonça que Hae était injoignable, je m’étais contenté de lever les yeux au ciel et de marmonner que j’irai le réveiller moi-même.

Chose dite, chose faîte. Vers onze heure, j’étais à son appartement. Je connaissais son code par coeur. On habitait presque l’un chez l’autre, mais je venais moins souvent ces derniers temps. Je soupire et râle d’entrée de jeu.

« Ça t’arrive de décrocher quand on te téléphone ? Le boss t’a appelé cinq fois mais comme tu décroches pas, c’est moi qui me tape le sale boulot ! »

Au lieu de faire ce qu’il me demandait, je déposais un épais dossier sur ses genoux.

« Lis ça. On part dans trois heures alors active toi, plus de vacances »

Une petite semaine en Russie, c’était-y pas intéressant ?

Et ça y est, nous revoilà plongé dans une espèce de psychose made in Hae Joon. Je commençais à le connaître, et bien. J'évitais soigneusement d'écouter ses sornettes en allant effectivement faire du thé.

- Eh bien tu diras à ta moman que tu lui ramèneras un bon baiser de Russie.

Je revenais avec les deux tasses de thé, gratouillant la tête de Ada pour ensuite m'asseoir à côté de mon coéquipier.

- On a un avion dans deux heures, donc dépêche toi, sinon je te traîne par le col.

J'avais souvent recours à des menaces dans le genre, et je commençais à être à court de registre. Cet énergumène était inépuisable en matière de mensonges et autres bizarreries à tel point que mes autres collègues étaient incapables de dire s'il était sérieux ou non, ce qu'il n'était pas les trois quarts du temps que je passais avec lui. Vous voyez le genre ?

Retour à la mission. En effet, c'était du gâteau, voire même du flan. On ne pouvait que y arriver, puisque finalement toutes nos missions en duo étaient de francs succès, bien que presque compromis par les éternels plans de fous de Hae. Mais ça on s'en foutait puisqu'on revenait en un seul morceau et avec ce que l'on nous demandait.

- On achètera ce qu'il te faut là-bas. Traîne pas, c'est tout ce que je te demande, avais-je dis en portant ma tasse à mes lèvres. Je regarde l'écran de la télé en mode pause dans ses jeux. Lui et sa console, c'était sa deuxième femme puisqu'il était marié à son matou qui d'ailleurs était en train de me griffer les genoux en ronronnant. J'avais passé d'innombrables nuits à jouer avec lui et parfois, je n'arrivais plus à suivre sa cadence. Pas étonnant qu'il ressemblait à un zombie. Et moi même sans jouer à la console, j'avais des cernes de dix kilomètres. Hae Joon, le mystère de la Nature.

Je vérifiais l'heure sur mon téléphone, et je guettais l'éventuel appel du patron pour savoir si j'avais réussi à te contacter. Encore une fois c'était du vu et revu, alors je n'y faisais réellement plus attention.

- Si ça se trouve, tu pourras faire exploser un avion de chasse de l'armée rouge.

J'aimais parfois lui promettre des petits trucs capables de lui donner envie de se bouger les fesses. Plan de cinglé, encore une fois, mais pour Hae, c'était une partie de plaisir qui parfois nous menait à une impasse en pleine mission.